BientĂŽt deux ans avec une imprimante 3D

Les imprimantes 3D me faisaient de lâĆil depuis quelques temps et jâai fini par sauter le pas en juillet 2019 en achetant la Dagoma Disco Ultimate alors derniĂšre nĂ©e de la gamme du fabricant Roubaisien. ProposĂ©e au tarif de 399.99âŹ, il sâagit dâun kit Ă monter soit-mĂȘme. A ce moment-lĂ je me suis dit : âla plus cool et la plus chĂšre des maquettes que je ne me suis jamais offerteâ. Dans ce billet, je vous proposerai une liste de quelques objets fabriquĂ©s avec quâils soient inutiles (dĂ©co, etc) ou utiles (outils, etc). Ensuite, jâaborderai un peu plus en dĂ©tail le fonctionnement et donnerait aussi quelques rĂ©flexions Ă ce sujet.
En pratique au quotidien
Certes, la Disco Ultimate nâest pas la plus abordable et il existe des imprimantes 3D de gamme similaire beaucoup moins chĂšres dâorigine Ă©trangĂšres (comme les Prusa du TchĂšque Prusa3D ou encore les quelques fabricants chinois comme Creality3D pour ne citer quâeux) venant dĂ©jĂ montĂ©es ou partiellement et avec lâĂ©cran de contrĂŽle inclus (ça reste une option chez Dagoma), mais jâai optĂ© pour un produit local me concernant. Bien que jâapprĂ©hendais cette partie, le montage sâest rĂ©vĂ©lĂ© aisĂ© mais les 8 heures annoncĂ©es par le fabricant ne sont pas des blagues. Jâai commencĂ© Ă lâassembler en soirĂ©e en finissant le plateau, puis je lâai terminĂ©e le lendemain matin. Assembler soit-mĂȘme lâimprimante 3D est assez gratifiant car cela permet aussi de comprendre toute la mĂ©canique qui se trouve derriĂšre et comment les diffĂ©rentes parties mouvantes interagissent. De plus, quelle excitation quand elle se met en mouvement au premier calibrage !
Une fois assemblĂ©e, calibrĂ©e, et prĂȘte Ă lâemploi, on se rue alors sur les librairies en ligne de modĂšles 3D disponibles pour essayer dâimprimer la moindre connerie (Thingiverse, etc). A dĂ©but il y a clairement un effet wahoo de dĂ©couverte quand on sâinitie Ă lâimpression 3D. Pour ma part, jâai commencĂ© Ă faire quelques objets pratiques notamment pour les rangements de jeux de plateaux. Jâai donc pour mâinitier avec ce genre de chose pour ranger les tuiles du jeu de plateau Fallout par exemple.
Fallout Board Game tiles Holder par KrisWall, licence CC-BY.
En objet de dĂ©coration, je me suis amusĂ© Ă faire la fusĂ©e de Tintin et Milou, mais aussi lâemblĂšme de la famille royale dâHyrule. Les deux modĂšles ont Ă©tĂ© fabriquĂ©s en blanc et peints ensuite.
Tintin Rocket par jorgenp, licence CC-BY.
Hyrule Triforce Wingcrest par IanHoolihan, licence CC-BY-SA.
PassĂ© lâeuphorie de la fabrication de quelques modĂšles pour la dĂ©co ou pour la dĂ©conne, jâai ensuite pu mettre Ă contribution cette machine pour quelques menues rĂ©parations ou objets dâusage courant. Câest en effet la force de lâimpression 3D Ă mes yeux : pouvoir rĂ©parer ou fabriquer des objets du quotidien Ă moindre coĂ»t. En effet, une bobine de PLA coĂ»te en gĂ©nĂ©ral dans les 30⏠pour 750 grammes de filament. A moins de ne fabriquer des modĂšles extrĂȘmement coĂ»teux, lâimpression est gĂ©nĂ©ralement bon marchĂ©.
Ainsi, jâai pu me fabriquer des porte savons ou encore un outil pour du ponçage qui avaient un coĂ»t de revient infĂ©rieur Ă 1âŹ.
Sanding Block Remix par NZbot, licence CC-BY-SA-NC.
RĂ©paration dâun casque Logitech dont le support avait cassĂ©. CoĂ»t de revient de quelques centimes pour rĂ©parer un casque Ă plusieurs dizaines dâeuro. Câest un marchĂ© qui se dĂ©veloppe justement avec des plateformes lancĂ©es par des distributeurs. Par exemple lâenseigne Boulanger propose des modĂšles 3D dâobjets Ă©lectromĂ©nager ou high-tech sur son site Happy3D. Le site permet de tĂ©lĂ©charger soit-mĂȘme le modĂšle ou de commander une impression via une plateforme de mise en relation.
Logitech G230/G430/G930 ear holder replacement par Dogm, licence CC-BY-SA.
RĂ©cemment, et du fait du contexte sanitaire qui nous oblige Ă porter des masques rĂ©guliĂšrement avec lâinconvĂ©nient de la buĂ©e pour les lunettes, jâai pu expĂ©rimenter cette petite piĂšce qui permet de ne plus subir de dĂ©sagrĂ©ment. TestĂ© et approuvĂ© par diffĂ©rentes personnes de mon entourage personnel ou professionnel et moi-mĂȘme ! Le tout pour une dizaine de centimes par piĂšce, jâen ai profitĂ© pour faire un plateau complet histoire de les distribuer un peu partout.
Anti-Fog nose clip for mask par lecutterjaune, licence CC-BY.
Lâautre aspect intĂ©ressant de lâimpression 3D est quâon peut rendre rĂ©el aussi ses propres crĂ©ations. En effet, les logiciels de modĂ©lisation ne sont pas ce qui manque et certains sont trĂšs accessibles. Pour ma part jâutilise principalement Sketchup car câest lâun des rares outils gratuits permettant dâexporter en STL ses crĂ©ations. Il est plutĂŽt simple Ă utiliser car basĂ© sur le principe de partir dâune forme basique pour la modifier ensuite. Le logiciel Ă©tait initialement crĂ©Ă© par une startup en 1999 et a Ă©tĂ© rachetĂ© par Google qui lâa principalement exploitĂ© pour faire modĂ©liser en 3D les bĂątiments dans Google Earth par la communautĂ©. Depuis 2013, Google a revendu Sketchup Ă Trimble Inc. Il est aussi parfaitement possible de concevoir ses modĂšles avec Blender, ou tout autre logiciel de conception assistĂ©e par ordinateur (comme CATIA ou Autocad par exemple). Pour ma part je ne suis pas trĂšs au fait de la modĂ©lisation 3D mais un outil comme Sketchup mâa permis de faire quelques petits objets sympa. Le seul que jâai partagĂ© Ă©tait celui-ci, un support de smartphone pour vĂ©lo mais je ne lâai moi-mĂȘme pas beaucoup utilisĂ© au final.
Et comment ça marche ?
Dans le cas des imprimantes 3D grand public comme la mienne, le principe est la fabrication additive par dĂ©pĂŽt de matiĂšre fondue. La tĂȘte dâimpression dĂ©pose du plastique fondu (gĂ©nĂ©ralement du PLA, dâorigine vĂ©gĂ©tale et biodĂ©gradable) en suivant un tracĂ© fourni par le logiciel de dĂ©coupage (appelĂ© slicer en anglais). Elle va donc dĂ©poser de la matiĂšre strate par strate jusquâĂ former la piĂšce. Ce principe permet dâavoir une fabrication trĂšs efficiente puisque seule la matiĂšre premiĂšre nĂ©cessaire est consommĂ©e.
Le logiciel de dĂ©coupe permet de manipuler la piĂšce en lâorientant ou en modifiant lâĂ©chelle. Le but est de pouvoir la fabriquer de maniĂšre la plus efficiente possible en consommation de matiĂšre. Une piĂšce qui a une forme un peu spĂ©ciale ou complexe pourra nĂ©cessiter des supports. Ils seront automatiquement calculĂ©s par le logiciel de dĂ©coupe mais cela entraĂźnera de fait de la perte de matiĂšre car les supports sont jetables. LâintĂ©rĂȘt du logiciel de dĂ©coupe est aussi dâestimer le coĂ»t dâimpression. En y rentrant les informations du filament (la marque, le modĂšle, le coĂ»t de la bobine, etc), il calcule la consommation et estime le coĂ»t de revient de la piĂšce. Il permet aussi bien Ă©videmment de savoir combien de temps va durer lâimpression.
Cura, le logiciel libre de découpe fait par Ultimaker pour prévisualiser et donner vie à ses modÚles
Il existe dâautres mĂ©thodes dâimpression 3D qui sont plutĂŽt orientĂ©es industrielles car plus onĂ©reuses et permettant de travailler des mĂ©taux ou autres matĂ©riaux plus complexes. Par exemple, le moteur Prometheus dĂ©veloppĂ© par Arianespace possĂšde de nombreuses piĂšces fabriquĂ©es en impression 3D. Câest aussi pas mal utilisĂ© pour faire du prototypage. Il existe Ă©galement des entreprises qui proposent dâimprimer en 3D des figurines personnalisĂ©es. Le procĂ©dĂ© utilisĂ© dans le cas prĂ©sent est, pour vulgariser, une sorte de sculpture en rĂ©sine faite par un laser. Un autre principe aussi utilisĂ© est celui dâune poudre qui se soude pour former lâobjet dĂ©sirĂ©.
Quelques rĂ©flexions autour de lâimpression 3D
Lâimpression 3D a beau ĂȘtre un outil formidable, il ne faut pas non plus se jeter dessus en masse. En lâĂ©tat actuel de la techno, je ne vois pas lâintĂ©rĂȘt que chacun possĂšde sa propre imprimante 3D chez soit, câest la mĂȘme chose quâune imprimante papier au fond : elle va servir une fois tous les 36 du mois. Dans la mesure oĂč câest encore une technologie qui a son prix, je trouve quâelle a un fort intĂ©rĂȘt dans le cadre de la mutualisation de lâoutil par plusieurs personnes. Ainsi, il existe un peu partout en France des associations de passionnĂ©s ou des Fablab qui permettent dâutiliser ces machines. Comme dit prĂ©cĂ©demment dans lâexemple de lâenseigne Boulanger, il existe aussi des plateformes sur lesquelles les propriĂ©taires dâimprimantes 3D peuvent se dĂ©clarer pour fabriquer des piĂšces pour des particuliers. Cependant, je nâai pas voulu mây inscrire personnellement car jâai trouvĂ© que ça manquait un peu de proximitĂ©. De plus, les tarifs dâimpressions demandĂ©s par la plateforme me semblent exorbitants par rapport au coĂ»t de revient dâune piĂšce.
Personnellement, me demander 19⏠(13.2 pour lâobjet + 6⏠de ports + 2⏠de TVA) pour une trappe pile de souris qui revient quelques centimes Ă fabriquer, et dont la souris est vendue au mĂȘme prix, je trouve ça malhonnĂȘte et totalement contre productifâŠ
AprĂšs, mon point de vue est sĂ»rement aussi biaisĂ© par le fait que je ne recherche pas spĂ©cialement Ă rentabiliser mon imprimante 3D. Elle lâest dĂ©jĂ Ă mes yeux au regard des services que cet engin mâa rendu, et les objets que je fabrique pour mon entourage sont gĂ©nĂ©ralement donnĂ©s en Ă©change dâun autre service ou alors payĂ©s au prix coĂ»tant ou en disant Ă la personne dây mettre ce quâelle veut.
Lâun des autres aspects Ă avoir en tĂȘte au sujet des imprimantes utilisant la mĂ©thode du dĂ©pĂŽt de plastique fondu, câest que les temps de fabrication sont longs, voire trĂšs longs ! Ce nâest pas avec une seule imprimante de ce type que vous aurez une grande cadence et un grand rendement, une grosse piĂšce ou de multiples exemplaires pouvant mettre plusieurs heures Ă ĂȘtre fabriquĂ©e. Par exemple, le plateau complet des pinces nez pour masques montrĂ© plus haut a pris 9h dâimpression. Les entreprises utilisant des imprimantes 3D pour fabriquer leurs objets (par exemple les imprimantes Dagoma sont fabriquĂ©es avec leurs anciens modĂšles) possĂšdent de vĂ©ritables fermes de plusieurs dizaines de machines. Clairement, si vous voulez vous lancer dans lâindustrie de masse, passez votre chemin ce nâest pas fait pour.
Enfin, bien que la finesse dâimpression soit trĂšs rĂ©duite (en gĂ©nĂ©ral jusquâĂ 0.10mm par couche), les piĂšces nĂ©cessitent toujours un peu de nettoyage pour corriger dâĂ©ventuelles bavures, mais aussi pour lisser les stries laissĂ©es par lâimpression en strate. Pour ça, lâacĂ©tone est trĂšs efficace sans pour autant attaquer trop mĂ©chamment le PLA qui possĂšde une trĂšs bonne rĂ©sistance.
Mis Ă part ces quelques dĂ©fauts Ă avoir en tĂȘte, jâestime que lâimpression 3D est clairement une technologie dâavenir qui va aller en se dĂ©mocratisant de plus en plus. Ces quelques dĂ©fauts de la technologie ne sont en effet pas des freins, mais juste des limitations qui vont aller en se rĂ©duisant avec le temps. Avec une sociĂ©tĂ© de consommation de plus en plus dĂ©criĂ©e par rapport Ă la question de lâĂ©cologie, la rĂ©utilisation et la rĂ©paration va devenir au coeur des prĂ©occupations dâune bonne tranche de la population. Sans oublier que les notions du âfaites le vous mĂȘmeâ, lâartisanat et la proximitĂ© reviennent de plus en plus dans les esprits aprĂšs des dĂ©cennies de consumĂ©risme passif.
Egalement, nâoublions donc pas que lâimpression 3D nâest pas que dans le domaine de la fabrication dâobjet inanimĂ©s. En effet, via des procĂ©dĂ©s bien Ă©videmment beaucoup plus complexes, il est dĂ©sormais possible de fabriquer des tissus vivants de synthĂšse par un procĂ©dĂ© similaire au dĂ©pĂŽt de matĂ©riaux, mais il sâagit ici dâune solution contenant les cellules qui est dĂ©posĂ©e goutte par goutte. Ceci dans le but notamment de pouvoir fabriquer des organes Ă transplanter, bien quâaujourdâhui nous sommes encore loin de pouvoir crĂ©er un organe complet. Il est nĂ©anmoins aujourdâhui possible de fabriquer de la peau de synthĂšse ou encore des cellules de certains organes pour tester des mĂ©dicaments dessus.
Du cĂŽtĂ© de la nourriture, câest dĂ©jĂ une rĂ©alitĂ© avec les Ă©tudes et projets de la NASA pour fabriquer des aliments en 3D dans lâespace.
Lorsque lâidĂ©e est poussĂ©e Ă lâextrĂȘme, avoir une imprimante 3D chez soit pour se fabriquer soit-mĂȘme quelques petits objets me laisse rĂȘver au monde imaginĂ© dans Star Trek avec les synthĂ©tiseurs qui permettent de produire nâimporte quelle piĂšce ou objet complexe en quelques secondes. Qui sait, peut-ĂȘtre quâon y arrivera :)
Crédits : Star Trek : Voyager, © CBS Corporation