Linux a 30 ans
Le 25 aout 1991, un jeune étudiant en informatique finlandais de 21 ans à l’Université de Helsinki postait sur la liste comp.os.minix du newsgroup Usenet un message disant qu’il réalisait un système d’exploitation libre depuis avril de la même année inspiré de Minix. Il avait porté Bash et GCC dessus, et le code était libre de toute origine de Minix.
C’est juste un passe-temps, ça ne sera pas gros et pro comme gnu
Linus Torvalds, l’auteur de ce message, ne pouvait pas avoir plus tort !
Un peu d’histoire
Le 17 septembre 2001, Linus Torvalds livre la version 0.01 de Linux sur le serveur FTP du réseau de recherche de l’université finlandaise (FUNET - Finish University and Research Network), non fonctionnel car il nécessitait encore d’être compilé par Minix. Plus tard, le 5 octobre, la première version de Linux “officielle” estampillée 0.02 est annoncée par Linus. Linux était alors capable de lancer Bash et GCC ainsi que quelques autres utilitaires issus du projet GNU.
A l’origine, Torvalds voulait nommer son système Freax, un nom portemanteau intégrant “free”, “freak” et “x” en référence à Unix. Les fichiers étaient stockés sous ce nom pendant 6 mois. Le nom “Linux” avait déjà été envisagé par lui, mais il l’estimait trop égocentrique. C’est Ari Lemmke, l’administrateur du serveur FTP de Université de Technologie de Helsinki qui nommera le projet “Linux” sans demander son avis à Linus, estimant que “Freax” n’était pas un nom correct. Torvalds finira par l’accepter, Linux est né.
D’après Torvalds, c’est en 1992 que Linux gagnera en popularité dans le milieu grâce au portage de X Window System par Orest Zborowski permettant ainsi à Linux de lancer des interfaces graphiques. Le système gagnera en contributions et deviendra progressivement ce qu’il est aujourd’hui.
En 1996, Linux se chercha un logo et un concours sera organisé en ce sens au sein de la communauté. C’est à ce moment-là que naîtra la mascotte Tux, qui n’a pas gagné le-dit concours mais sera devenue malgré toute le visage du Kernel. J’avais fait un article sur l’histoire de Tux.
Linux, le noyau, est souvent confondu avec la notion de distribution Linux. Très tôt, les premières versions du Kernel étaient proposées sous forme de code source puis d’images de disquettes intégrant quelques outils GNU permettant d’établir un filesystem. C’était très compliqué à utiliser et grâce à l’offre logicielle qui s’étoffait, Linux a fini par être intégré au sein d’un écosystème qu’on appelle alors une distribution Linux.
Les toutes premières distributions Linux sont nées en fin 1991, début 1992. Il s’agissait soit d’environnement très minimalistes, soit de versions déjà avancées intégrant X Window Server. Yggdrasil Linux/GNUX fut la première distribution commerciale en décembre 1992, tout comme la première à introduire l’idée du Live-CD prêt à l’emploi en 1993 qui était son support de vente. La distribution s’est arrêtée en 1995.
Les deux plus vieilles distributions Linux encore maintenues et actives sont Slackware et Debian respectivement démarrées en juillet et décembre 1993.
Qu’est devenu Linux en 30 ans ?
Bien que toujours marginaux sur les PC de bureau grand public, les systèmes basés sur Linux ont fait leur trou dans le domaine professionnel. Le noyau a été grandement utilisé dans le domaine de l’embarqué et du mobile (donnant naissance à l’un de ses dérivés les plus connus : Android), mais il est également très présent dans le domaine du serveur informatique, mainframes et super-calculateurs. Linux est aussi sur Mars, le système d’exploitation de l’hélicoptère Ingenuity étant basé dessus.
Les distributions Linux sont horriblement nombreuses et variées avec quelques grandes branches de base qui ont donné lieu à beaucoup de dérivés. Parmi les principales nous pouvons citer :
- Debian, l’une des mamies des distributions Linux qui est la source de très nombreux dérivées dont …
- … Ubuntu, née en 2004 qui avait pour objectif de rendre Linux beaucoup plus accessible. La distribution est elle-même devenue une très grande source de dérivés
- Fedora, un projet communautaire sponsorisé par Red Hat qui sert désormais de laboratoire d’essai pour les nouvelles versions de RHEL
- Red Hat Enterprise Linux (RHEL) qui est la distribution commerciale la plus célèbre
- Mandrake/Mandriva Linux qui était d’origine française et développée en Europe, depuis devenue Mageia
- openSUSE, d’origine allemande disposant d’une version commerciale sous la forme SUSE Linux Enterprise
- Arch Linux, l’une des distributions en publication continue qui vise à proposer les versions les plus récentes des logiciels, adressée aux utilisateurs expérimentée
- Manjaro est une dérivée de Arch qui bénéficie des avancées de cette dernière mais propose une expérience plus ciblée aux utilisateurs lambda
- Gentoo, une distribution s’adressant aux utilisateurs avancés et expérimentés (power users)
- Slackware, la doyenne des distributions Linux encore active qui tend à être le plus proche d’Unix
En dehors des distributions Linux généralistes, le noyau s’est retrouvé embarqué dans de nombreux autres systèmes plus ou moins spécialisés : systèmes d’exploitation pour équipement réseau (ex : PFSense, une distrib Linux orientée réseau), appareils connectés utilisant un micrologiciel basé Linux, distributions orientées sécurité (Kali Linux, etc), éducation, production musicale ou vidéo, dans les Box Internet, dans les NAS, etc.
Mon histoire personnelle avec Linux
Me concernant, j’ai fait mes dents sur Linux au début des années 2000. J’ai commencé l’informatique x86 vers 1999 lorsque notre premier PC a débarqué à la maison. Avant ça j’ai connu les classiques MO5 ou Amstrad CPC 6128. Au fil des pérégrinations sur Internet, j’entendais de plus en plus parler de “Linux” et j’ai eu l’occasion de voir des étudiants en IUT faire des démonstrations dessus lors de portes ouvertes.
Intrigué, je me suis jeté à l’eau en installant Debian qui ressortait le plus souvent dans les discussions. Passé une après midi dessus à ne rien comprendre après avoir imprimé des kilomètres de documentation, j’ai fini par jeter l’éponge car mon PC avait une carte accélératrice 3D qui n’était pas reconnue, le démarrage de l’interface graphique était donc impossible et naviguer uniquement sur la console était peu motivant comme première approche.
Peu de temps après, je tombe sur un magazine “Linux CD” proposant Mandrake 9.1 avec des conseils et guides de démarrage, me voici avec mon tout premier Linux !
CD d’installation de Mandrake 9.1 et Ubuntu 5.04 retrouvés dans un carton
A l’époque, Mandrake utilisait l’interface KDE et je n’étais pas fan, ça ressemblait trop à Windows et je voulais du changement. J’étais donc dans la curiosité et la découverte sans réellement m’engager avec Mandrake.
Plus tard, j’entends parler de Ubuntu qui semblait “facile à installer et utiliser” selon les dires que je lisais à droite et à gauche. En plus, Canonical envoyait gratuitement à l’époque un tas de CD et des goodies, j’avais alors pris l’habitude de les commander pour les collectionner d’une certaine façon. J’installe donc la toute première version d’Ubuntu, la 4.10. Et là c’est le coup de foudre ! L’interface graphique basée sur Gnome m’emballait beaucoup et le thème graphique d’Ubuntu faisait très propre.
Je me suis alors engagé un peu plus dans l’apprentissage, mais hélas un retour chez mes parents et le 56k a fait que j’ai du retourner sur Windows XP, le modem n’était pas reconnu par Linux. Il se passe alors une paire d’années où j’alternais entre les deux et que je reconnais être resté sur XP par habitude plus que par volonté même après avoir résolu le problème de compatibilité, ayant eu l’ADSL dans mon premier chez moi.
Mais un jour, le destin frappa à la porte : Windows XP ne démarra plus du tout du jour au lendemain pour une raison qui m’était inconnue. C’est là que je me suis dit : “OK, quitte à réinstaller un OS, autant retourner sur Linux pour s’y remettre”. Je suis donc reparti sur Ubuntu, dans la version 6 je dirais, et depuis je n’en démordais plus. Le seul Windows qui restait chez moi, et dont c’est toujours le cas aujourd’hui, ne me sert qu’à jouer. Petit à petit, j’ai basculé toutes les machines que j’ai acquises sous Linux. Mon PC fixe historique, le portable que j’ai acheté pour ma formation (origine XP, basculé sous Ubuntu une paire d’années après), et c’est encore le cas aujourd’hui. Si vous consultez ma page outils utilisés, vous pourrez le constater : le seul Windows est pour jouer.
Au fil du temps, j’ai commencé à perdre en estime pour Ubuntu. Les choix erratiques de Canonical m’étaient parfois incompréhensibles (je fais partie de ceux qui n’ont pas adhéré à Unity malgré tentative de l’adopter), puis à côté de ça j’ai développé ma carrière.
Ma formation initiale est celle d’un administrateur système Windows sous 2003, hé oui ! Mais au fil du temps et des prestations que j’ai effectué, j’ai intégré de plus en plus d’environnements Linux et j’ai ainsi pu à la fois développer la compétence personnelle et professionnelle. Voyant que la famille Red Hat était la plus présente dans mon expérience professionnelle, j’ai commencé à lorgner du côté de Fedora. Cependant, à cette époque, j’entendais souvent que la distribution était peu stable car étant un laboratoire technologique de Red Hat. C’est tardivement que j’ai basculé dessus, en 2018, après plus d’une décennie d’aventure avec Ubuntu. Depuis, Fedora est devenue ma distribution phare car permettant de me faire les dents sur ce qui est le futur de RHEL, tout en ayant un système répondant à mes attentes.
Etant Freelance, j’ai également la chance d’avoir pu choisir mon propre matériel informatique pour mon activité. Il s’agit de l’Asus Zenbook Pro UX550VD listé dans mes outils en tant que “PC Voyage”. Je l’ai acheté à l’époque comme PC pour travailler (mes critères sont : légèreté, puissance, faible sensation de chaleur, ce PC était top à l’époque pour tout ça) et j’ai commencé avec son Windows 10 par sécurité, de peur d’avoir des soucis chez le client avec Linux pour me connecter à leur réseau. Voyant que des collègues travaillaient aussi sous Linux, j’ai choisi de le basculer sur Fedora. Hélas, il y avait des misères : il possède une carte graphique et le couple piloté par Optimus ne marchait pas bien. Je n’ai jamais réussi à installer les drivers propriétaires Nvidia dessus, le pilote libre Nouveau faisait ce qu’il pouvait mais cela entraînait une surconsommation de batterie et chauffe plus excessive. Devant ces différents soucis, j’ai fini par me mettre en quête d’un PC natif Linux et je suis tombé sur la marque Tuxedo Computers qui propose du très bon matériel. (c’est celui noté “PC Professionnel” dans mes outils)
Dès lors, j’avais envie de recycler le Asus mais avec quoi ? J’ai récemment testé Manjaro, découverte grâce au PineBook Pro et j’ai voulu tenter le coup. Cette distrib s’est bien mieux installée que Fedora et a su gérer le problème de carte graphique comme un rien en réussissant à installer les pilotes propriétaires lors du setup initial du système. J’étais vraiment content de pouvoir enfin utiliser ce Asus à sa juste valeur, même s’il a réussi à bien travailler durant deux ans sur une Fedora pas forcément au top, et dont le Live-CD figeait même lors de l’installation initiale !
Aujourd’hui, quel est mon état d’esprit avec Linux ? Je ne suis pas du genre à tester 40 000 distributions. Pour être franc, installer un OS ça me barbe. Je reste donc sur mes acquis et dans ma zone de confort par habitude, voire paresse, soyons honnêtes. Côté serveur, j’ai eu une préférence pour CentOS mais depuis le changement de politique j’ai du revoir mes préférences. J’oscille entre Alma Linux et Rocky Linux sans grande volonté, le choix d’un OS n’étant plus forcément dans mes priorités. Côté Desktop, Fedora garde ma préférence mais Manjaro a marqué des points. Je ne m’intéresse plus trop à Ubuntu et préfère clairement une Debian dans le cas où je suis amené à utiliser cette famille. Dans la mesure où j’ai aussi pris de la hauteur dans le domaine professionnel, je m’intéresse un peu moins aux OS et à leur évolution. Mon activité est généralement au niveau applicatif et je suis plus un consommateur d’Infra as a Service que concepteur de celle-ci. Je fais donc avec ce qu’on me propose et ne monte plus moi-même des serveurs avec des OS.
Néanmoins, je continue d’être enthousiaste avec Linux et je remercie profondément ceux qui ont permis d’en arriver là. Je n’ai pas forcément mes compétences pour participer activement à celui-ci, mais j’essaye avec mes moyens de partager mes connaissances et mon expérience dessus.
Ah ! Au fait, également, merci pour Git M. Torvalds !