The Sinking City
The Sinking City
Pour les amateurs de trucs anciens à tentacules
The Sinking City est un jeu vidéo d’exploration, aventure et enquête développé par le studio Frogwares et sorti en 2019 sur PC et consoles. Il se déroule dans un monde ouvert situé dans les années 1920 aux USA en se basant sur l’univers de H.P. Lovecraft dans la ville fictive d’Oakmont dans le Massachusetts. Le joueur y incarne le détective privé, vétéran de la Première Guerre Mondiale et ancien de la Navy, Charles W. Reeds, qui se rend à Oakmont à cause de visions cauchemardesques qui le trouble depuis quelques temps.
Illustration © Frogwares
Oakmont est une ville recluse et presque inconnue au point qu’elle est même parfois absente des cartes. Elle a été en grande partie ravagée par une catastrophe climatique à l’origine inconnue, “l’Inondation”, et depuis ses quartiers alternent entre zones habitables et zones inondées à explorer par bateau. Elle est également en proie à une infestation de créatures aussi abominables que mortelles, entraînant la condamnation de zones dites infestées. Cette isolation d’Oakmont a favorisé l’émergence d’une culture très xénophobe et indépendantiste, elle a également son propre dialecte. Les habitants sont relativement excentriques ou alors hostiles vis à vis des étrangers. Le dollar américain n’a plus cours, les habitants préfèrent troquer contre des objets de réelle valeur et utilité, notamment des munitions. La ville compte également de nombreux réfugiés d’Innsmouth, localité voisine détruite durant le même évènement. Les deux villes partagent un point commun en matière d’attrait pour l’occulte où les ritualistes côtoient pêcheurs et habitants lambdas. L’arrivée des habitants d’Innsmouth dans la ville a provoqué une certaine tension car les deux peuples s’entendent difficilement, notamment à cause du “syndrome d’Innsmouth” dont font preuve ces derniers avec leurs traits proches de créatures aquatiques. Depuis l’Inondation, des habitants manifestent aussi des signes d’hystérie, de folie, de confusion, des visions troublantes, le tout appuyé par les apparitions des hideuses créatures.
Charles Winfield Reeds voyage de Boston à Oakmont sur l’invitation de l’excentrique Johannes van der Berg pour découvrir la cause des visions cauchemardesques qui le dévorent depuis la disparition du navire sur lequel il servait dans l’armée, le USS Cyclops. En effet, des témoignages d’habitants d’Oakmont laissent croire qu’ils partagent les mêmes symptômes depuis l’Inondation. A peine arrivé, Reeds se retrouve face à Robert Throgmorton, le patriarche de l’une des familles influentes de la ville. Son fils a disparu, et Charles proposera ses services de détective pour élucider l’affaire. Une fois celle-ci résolue, Throgmorton l’embauchera pour rechercher l’équipe d’exploration qu’il avait financé pour découvrir l’origine de l’Inondation mais qui n’est jamais revenue.
Ce n’est pas la première fois que Frogwares propose un jeu basé sur l’univers de Lovecraft. En effet, ils avaient collaboré au jeu The Call of Cthulhu de 2018 avec le studio français Focus Home Interactive. A la différence de ce dernier qui se déroulait dans des zones plus délimitées, The Sinking City propose une immense ville à explorer de manière totalement libre. Oakmont a été construite en se basant sur l’architecture de la Nouvelle-Angleterre du début 20ème siècle en créant les différents types de bâtiments et décors qui ont ensuite permis de générer la ville de manière procédurale. On s’en rend rapidement compte car on fini souvent par retrouver les mêmes topologies de bâtiments à explorer et les mêmes agencements. Bien que les développeurs aient apporté des finitions manuelles et donné une ambiance propre à chacun des 7 principaux quartiers de la ville, on l’explore tout de même avec le malaise d’avoir l’impression que toutes les rues se ressemblent.
La principale fonctionnalité gameplay du jeu est évidemment son côté enquête. Si vous aimez les jeux open-world où l’on suit la flèche et clique sur l’interaction du coin pour continuer, passez votre chemin. Les quêtes sont matérialisées sous la forme d’enquêtes. Vous avez bien évidemment l’enquête principale qui déroule l’histoire, mais des dossiers secondaires vous permettant de gagner un peu plus d’expérience pour développer le personnage qui seront proposées par diverses PNJ. Une enquête se déroule en suivant des indices. Chaque dossier rassemble les éléments un par un et vous pouvez les consulter à tout moment. Les éléments sont catégorisés par une icône permettant de rapidement savoir si c’est un lieu, une personne, un objet, un document, etc. Généralement, vous aurez un indice de type lieu qui vous dira d’aller à telle adresse. A partir de là, vous pouvez déposer sur la carte de la ville un marqueur pour vous y rendre, trouver le lieu, et comment à explorer. Et les indications sont vagues, voire cryptiques ! En effet, il n’y a pas de numéro de rue à Oakmont, les habitants connaissent leur ville et ils n’aideront pas un newcomer tel que vous (bande d’enfoirés). Vos indications n’iront pas plus loin que “Machin habite dans une maison située rue A, à la croisée de Rue B et C dans la quartier X”. Si j’apprécie que ce jeu ne prenne pas par la main le joueur en le considérant comme un neuneu, il pèche parfois un peu à donner des indications compréhensibles ce qui donne parfois l’impression de tourner en rond. Un élément sympa au niveau des enquêtes, lorsque l’information est incomplète, Charles peut aller dans un des différents bâtiments spéciaux de la ville (hôtel de ville, commissariat de police, etc) pour effectuer des recherches dans les archives et tenter d’obtenir un indice plus précis.
Arrivé dans le lieu-dit, vous commencerez à explorer le coin et y collecter les différents indices qui s’y trouvent. A ce niveau-là, le jeu apporte un élément gameplay très utile avec les capacités extrasensorielles de Charles. Selon la situation ou l’indice, Charles est capable de reconstruire l’enchaînement des faits ou une scène précise servant d’indice. Lorsqu’il a collecté suffisamment d’informations, le jeu bascule dans un mode “vision” où Charles voit différentes étapes du cheminement et le joueur doit ainsi reconstituer l’ordre pour tirer une conclusion. Ce style de jeu est une idée sympa et rappelle le “mode détective” qui se trouvait par exemple dans les jeux Batman Arkham où le justicier masqué arrivait à reconstituer de manière virtuelle une scène de crime. Cependant ici il y a une contrepartie… Utiliser ces facultés fait perdre les pédales au personnage. Comme tout jeu basé sur l’univers Lovecraft, on retrouve en plus des points de vie habituels une jauge de santé mentale qui diminue à mesure que le personnage est confronté à de l’occulte. Quand ces phénomènes se produisent, la vision du personnage sera de plus en plus troublée et distordue et son comportement hystérique. Une animation le montre même tentant de se suicider avec son arme.
Et ceci résume donc à peu près la grande partie du jeu. Vous irez de fil en indices, enquêterez sur le lieu, et obtiendrez des informations pour continuer le déroulé de l’enquête. C’est au niveau de l’enquête principale que l’un des éléments gameplay supplémentaire vient s’ajouter, le Mind Palace. Cet écran n’est disponible que pour l’histoire principale. Il sert à recouper les différents indices dont Charles dispose et en les associant, il permet de créer des déductions. Ces déductions servent ensuite à construire le fil conducteur de l’enquête et peuvent amener à des chemins divergents en fonction des choix moraux ou logique que le joueur pourra être amené à faire. Ainsi, le dénouement de l’enquête ne sera pas forcément le même selon les choix réalisés pendant les déductions.
The Sinking City possède un petit côté jeu d’action en raison des combats qui peuvent se produire contre des monstres ou parfois des habitants d’Oakmont. Et là sur ce point, c’est vraiment pas terrible… Alors oui, les jeux basés sur l’univers de Lovecraft mettent toujours en scène des personnages normaux et non un troupeau d’Avengers armé jusqu’aux dents. Mais là, les combats sont mous et le personnage est très peu réactif. Même dans le mode de difficulté le plus bas, si on arrive à se défaire sans trop de soucis du menu fretin (l’arme corps à corps de base, la pelle, est suffisante), dès qu’on tombe sur des monstres un peu plus gros, la fuite est la meilleure des solutions. Le personnage prend rapidement de grosses tatanes et ses points de vie fondent comme neige au soleil version Mercure. On a beau avoir un arsenal plutôt convenable (cocktails Molotov, deux pistolets, fusil, grenade, pièges…), le personnage est aussi empoté que dans les vieux Resident Evil et l’agilité des adversaires est soit rapide, soit ils attaquent à distance et donc on se fait trop rapidement harceler. Et quand on se fait tuer, on tombe sur l’autre gros point noir du jeu …
… Les temps de chargement. C’est une véritable punition. J’ai pris la version Nintendo Switch du jeu donc je peux admettre des limitations et une qualité graphique moindre en raison du support beaucoup plus limité que sur PC. Mais visiblement, les critiques que j’ai lues à son sujet font état de ce problème sur tous les supports. Personnellement je garde le jeu en pause entre deux parties et le laisse toujours ouvert. Charger la partie une première fois prend bien plusieurs minutes ! L’écran de chargement lors de l’utilisation d’un point de passage rapide prend de longues secondes à rendre la main. C’est aussi la raison pour laquelle je fuis au maximum les combats face aux ennemis que je sais trop coriaces : mourir recharge la dernière sauvegarde et vous amène dans le lieu sûr le plus proche… Mais au prix d’un looooooooong temps de chargement. J’ai aussi constaté que le jeu a des latences par moment, outre lors d’une balade dans la ville où les éléments peuvent mettre du temps à charger, mais aussi quelques gels lors de l’ouverture du menu, de la carte, ou la bascule entre écrans. Ces petits inconforts nuisent à la fluidité du jeu, ce qui est dommage.
Sur le plan technique, et en me basant sur le fait que j’ai une version Nintendo Switch qui n’est pas la plus représentative, le jeu donne un aspect mal vieilli. J’ai regardé quelques vidéos de la version PC pour comparer, et c’est la direction artistique qui semble ainsi. Après, cela laisse un côté dérangeant auquel on peut adhérer vu qu’il s’agit d’un jeu d’horreur basé sur du Lovecraft, donc le côté sombre et dégueulasse se marie plutôt bien. Mais on constate aussi d’autres éléments qui font tache comme la réutilisation un peu trop fréquente de modèles pour des personnages, au point qu’on a l’impression de vivre dans une ville de clones.
Je n’ai pas encore terminé le jeu au moment où ce billet est écrit, mais je suppose qu’il y aura différentes fins alternatives selon les choix effectués au cours de l’histoire… Et que peu d’entre elles seront des happy-end. Ce type de fin étant généralement absent de l’œuvre de Lovecraft, j’imagine que ça va osciller entre folie, morts, arrivée d’un Grand Ancien, etc.
Mis à part quelques faiblesses techniques et un gameplay combat raté, The Sinking City est un jeu d’enquête et investigation plutôt sympa avec une bonne ambiance dans le ton de l’œuvre de Lovecraft. Une bonne mention aux doublages du jeu qui compensent la rigidité des modèles 3D des personnages, et jusqu’ici une histoire qui m’accroche bien et se suit au fil de l’enquête.